Jean de Lafontaine | Ma Homepage
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Introduction | J'AVAIS juré de laisser là les Nonnes Car que toujours on voie en mes écrits Même sujet & semblables personnes, Cela pourrait fatiguer les esprits. Ma muse met Guimpe* sur le tapis : Et puis quoi ? Guimpe et puis Guimpe sans cesse; Bref toujours Guimpe, & Guimpe sous la presse. *Guimpe = toile dont les religieuses se couvrent la gorge |
J'ai déjà beaucoup parlé des Nonnes |
C'est un peu trop, je veux que les Nonains Fassent les tours en amour les plus fins; Si ne faut-il pas pour cela qu'on épuise Tout le sujet ; le moyen ? C'est un fait Par trop fréquent, je n'aurais jamais fait Il n'est Greffier dont la plume y suffise. Si j'y tâchais on pourrait soupçonner Que quelque cas m'y ferait retourner; Tant sur ce point mes Vers font de rechutes Toujours souvient à Robin de ses flûtes. Apportons donc à cela quelque fin. Je le prétends, cette tâche est ici faite. |
Un jeune garçon s'était introduit dans un couvent en se faisant passer pour une nonne... Il met enceinte une des nonnes. |
Jadis s'était introduit un blondin Chez les Nonains, à titre de fillette. Il n'avait pas quinze ans, que tout ne fût : Dont le galant passa pour Soeur Colette, Avant que la barbe ne lui crût. Cet entre-temps ne fut pas sans
fruit; le Sire |
La Prieure ordonne que tout le monde se déshabille |
Voilà scandale & bruit dans l'abbaye. D'où cet enfant est il plû? Comment a-t-on, Disaient les Soeurs en riant, je vous prie, Trouvé céans ce petit champignon? S'il ne s'est après tout pas fait lui même. La Prieure est en
un courroux extrême. |
Le jouvenceau invente un stratagème |
Qui fut bien prit, ce fut la feinte ouaille. Plus son esprit à songer se travaille, Moins il espère échapper d'un tel pas. Nécessité mère de stratagème Lui fit...eh quoi? Foin je suis court moi-même; |
Comment dire la partie qu'il attacha ? |
Où prendre un mot qui dise honnêtement Ce que lia le père de l'enfant? Comment trouver un détour suffisant Pour cet endroit ? Vous avez ouï dire Qu'au temps de jadis le genre humain avait Fenêtre au corps; de sorte qu'on pouvait Dans le dedans tout à son aise lire; Chose commode aux Médecins d'alors. Mais si d'avoir une fenêtre au corps Etait utile, une autre au coeur au contraire Ne l'était pas, dans les femmes surtout : Car le moyen qu'on pût venir à bout De rien cacher? Notre commune mère Dame Nature y pourvût sagement Par deux lacets de pareille mesure. L'homme et la femme eurent également De quoi fermer une telle ouverture. La femme fut lacée un peu trop dru. Ce fut la faute, elle-même qui en fut la cause; N'étant jamais à son gré trop bien close. L'homme à l'inverse; et le bout du tissu Rendit en lui la nature perplexe. Bref le lacet à l'un & l'autre sexe Ne pût quadrer, & se trouva, dit-on, Aux femmes court, aux hommes un peu long. Il est facile à présent qu'on devine Ce que lia notre jeune imprudent; |
C'est donc son vit qu'il attacha |
C'est ce surplus, ce reste de machine, Bout de lacet aux hommes excédant. D'un brin de fil il l'attacha de sorte Que tout semblait aussi plat qu'aux Nonains. |
Mais de le tenir en place devant toutes ces filles... |
Mais fil ou soie, il n'est bride assez forte Pour contenir ce que bientôt je crains Qui ne s'échappe; amenez-moi des saints; Amenez-moi, si vous voulez, des Anges; Je les tiendrais créatures étranges, Si vingt Nonains ayant tous les trésors De ces trois Soeurs dont la Fille de l'Onde Se fait servir : chiches & fiers appas, Que le Soleil ne voit qu'au nouveau monde; Car celui-ci ne les lui montre pas. |
La Prieure examine les organes et le vit rompt le fil et fait voler les lunettes des la Prieure |
La Prieure a sur son nez des lunettes, Pour ne pas juger du cas légèrement. Tout autour son debout vingt Nonettes En un habit que vraisemblablement N'avaient pas fait les tailleurs du Couvent. Figurez-vous la question qu'au Sire On donna alors ; besoin n'est de le dire. Touffes de lis, proportions de corps, Secrets appas, embonpoint & peau fine, Fermes têtons & semblables ressorts Eurent tôt fait jouer la machine. Elle échappa, rompit le fil d'un coup, Comme un coursier qui romprait son licou, Et sauta droit au nez de la Prieure, Faisant voler les lunettes tout à l'heure, Jusqu'au plancher. Il s'en fallut bien peu Qu'on ne vit tomber la lunetière. |
Le jouvenceau est découvert. On l'attache à un arbre et les nonnes vont chercher des fouets. Sur ce, un |
Elle ne prit pas cet accident en jeu. L'on tint Chapitre, et sur cette matière Fut raisonné longtemps dans le logis. Le jeune loup fut aux
vieilles brebis |
Le jouvenceau explique au meunier que les nonnes veulent se faire besogner, mais que lui ne peut pas, c'est pourquoi il est attaché. Le meunier prend sa place. |
Oh! Oh! Dit-il, qu'est-ce là que je vois ? Le plaisant fait! Jeune homme, je te prie, Qui t'a mis là? Sont-ce ces soeurs, dis moi ? Avec quelqu'une as-tu fait la folie? Te plaisait-elle ? Etait-elle jolie ? Car à te voir tu me portes, ma foi, (Plus je regarde et mire ta personne) Tout le minois d'un vrai croqueur de Nonne. L'autre répond : Hélas ! C'est le rebours Ces nonnes m'ont en vain prié d'amour Voilà mon mal; Dieu me donne patience; Car de commettre une si grande offence, J'en ai scrupule, et fut-ce pour le Roi me donnât-on autant d'or que moi. Le meunier rit; et sans autre mystère Vous le délie, et lui dit, idiot, Scrupule toi, qui n'est qu'un pauvre hère! C'est bien à moi qu'il appartient d'en faire! Notre curé ne serait pas si sot. Vite, va-t-en, après m'avoir mis à ta place; Car tu n'es pas aussi bien que moi Franc du collier et bon pour cet emploi: Je n'y veux point de quartier ni de grâce : Viennent ces soeurs, toutes, je te réponds, Verront beau jeu, si la corde ne rompt. L'autre ne se le fait pas deux fois redire. Il vous l'attache, et puis lui dit adieu. Large d'épaules on aurait vu le Sire Attendre nu les Nonnes en ce lieu. |
Les nonnes arrivent, et décident de punir le meunier, qui ne cesse de hurler que lui est d'accord. |
L'escadron vient, porte en guise de cierges Bâtons et fouets : procession de verges, Qui fit la ronde autour du meunier, Sans lui donner le temps de se montrer, Sans l'avertir. Tout beau, dit-il, Mesdames : Je ne suis pas cet ennemi des femmes, Ce scrupuleux qui ne vaut rien à rien. Employez-moi, vous verrez des merveilles; Si je dis faux, coupez-moi les oreilles. D'un certain jeu je viendrais bien à bout; Mais quand au fouet, je n'y vaut rien du tout: Qu'entend ce
rustre, et que veut-il nous dire |
Contes et nouvelles en vers par
Monsieur de La Fontaine |
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