Jean de Lafontaine | Ma Homepage
Il existe un jeu très divertissant... |
Il est un jeu divertissant sur tous. Jeu dont l'ardeur souvent se renouvelle: Il divertit & la laide & la belle. Soit jour, soit nuit, à toute heure il est doux: Devinez donc comment ce jeu s'appelle. Le beau du jeu n'est connu
que de l'époux; Qu'importe ? Sans s'arrêter au nom, |
La jeune Lise se fait moquer car elle n'a pas d'esprit. On lui dit d'aller voir le père Bonaventure. |
Avant que Lise allât en cette école, Lise n'était qu'un misérable oison. Coudre & filer était son exercice; Non pas le sien, mais celui de ses doigts; Car que l'esprit eût part à cet office, Ne le croyez pas; il n'était nul emplois Où Lise pût avoir l'âme occupée: Lise songeait autant que sa poupée. Cent fois le jour sa mère
lui disait, |
Le père l'emmène dans sa cellule et commence à la besogner. |
Incontinent la jeune créature S'en va le voir, non sans confusion: Elle craignait que ce ne fût dommage De détourner un tel personnage. Me voudrait-il faire de tels présents A moi qui n'ai que quatorze ou quinze ans? Vaux-je cela ? disait en soi la belle. Son innocence augmentait ses appas: Amour n'avait à son croc de pucelle Dont il crût faire un aussi bon repas. Mon Révérend, dit-elle
au béat homme, Entrez ici, suivez-moi hardiment; |
Lise rencontre peu après une amie et lui raconte son aventure. |
Deux jours après, sa compagne Nanette S'en vient la voir : pendant leur entretien Lise rêvait : Nanette comprit bien, Comme elle était clairvoyante & finette, Que Lise alors ne rêvait pas pour rien. Elle fait tant, tourne tant son amie, Que celle-ci lui déclare le tout. L'autre n'était pas à l'ouïr endormie. Sans rien cacher, Lise de bout en bout, De point en point lui conte le mystère, Dimensions de l'esprit du beau Père, Et les encore, enfin tout le Phoebé. Mais vous, dit-elle, apprenez-nous de grâce Quand et par qui l'esprit vous fut donné. Anne reprit : puisqu'il faut que je fasse Un libre aveu, c'est vôtre frère Alain Qui m'a donné de l'esprit un beau matin. Mon frère Alain! Alain! S'écria Lise, Alain mon frère! Ah, je suis bien surprise; Il n'en a point, comment en donnerait-il? Sotte, dit l'autre. Hélas! Tu n'en sais guère: Apprends de moi que pour pareille affaire Il n'es besoin que l'on soit si subtil. Ne me crois tu pas ? Sache-le de ta mère, Elle est experte au fait dont il s'agit; Sur ce point là l'on t'aura bientôt dit, Vivent les sots pour donner de l'esprit. |
Contes et nouvelles en vers par Monsieur de La Fontaine A Amsterdam chez Pierre Brunel, sur le Dam à la bible d'or, 1709 |
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