Jean de Lafontaine | Ma Homepage
Le vieil Hans a pris une femme jeune, et il est inquiet. | Hans Carvel prit sur ses vieux ans Femme jeune en toute manière; Il prit aussi soucis cuisants; Car l'un sans l'autre ne va guère. Babeau (c'est la jeune femelle, Fille du bailli Concordat) Fut du bon poil, ardente, et belle Et propre à l'amoureux combat. Carvel craignant de sa nature Le cocuage et les railleurs, Alléguait à la créature Et la Légende, et l'Ecriture, Et tous les livres les meilleurs: Blâmait les visites secrètes; Frondait l'attirail des coquettes, Et contre un monde de recettes, Et de moyens de plaire aux yeux, Invectivait tout de son mieux. A tous ces discours la galande Ne s'arrêtait aucunement; Et de sermons n'était friande A moins qu'ils fussent d'un amant. Cela faisait que le bon sire Ne savait tantôt plus qu'y dire, Eut voulu souvent être mort. Il eut pourtant dans son martyre Quelques moments de réconfort: L'histoire en est très véritable. Une nuit, qu'ayant tenu table, Et bu force bon vin nouveau, Carvel ronflait près de Babeau, Il lui fut avis que le diable Lui mettait au doigt un anneau, Qu'il lui disait..: Je sais la peine Qui te tourmente, et qui te gène ; Carvel, j'ai pitié de ton cas, Tiens cette bague, et ne la lâches. Car tandis qu'au doigt tu l'auras, Ce que tu crains point ne seras, Point ne seras sans que le saches. Trop ne puis vous remercier, Dit Carvel, la faveur est grande. Monsieur Satan, Dieu vous le rende, Grand merci Monsieur l'aumônier Là-dessus achevant son somme, Et les yeux encore aggraves, Il se trouva que le bon homme Avait le doigt ou vous savez.
|
Contes et nouvelles en vers par Monsieur de La Fontaine A Amsterdam chez Pierre Brunel, sur le Dam à la bible d'or, 1709 |
|
|
|